Des évènements récents et ce texte de Tristan sur l'abandon redécouvert "par hasard" ce matin, m'ont donné l'envie d'écrire cet article.
L'abandon fait partie de ma vie, depuis ma naissance. Je l'ai vécu sous de multiples formes, sans même m'en rendre compte. Même quand il était évident. Je me suis convaincue que l'absence de père, l'éloignement physique de ma mère pendant mes premières années puis son départ à mes 25 ans, n'avaient pas de conséquences sur ma vie. J'ai mis un énorme couvercle, me suis construit une grosse carapace. Me disant simplement que j'avais une vie hors norme sur certains aspects, une "vie autrement". Et que cela ne m'empêcherait pas de mener la vie dont j'avais envie.
Je me trompais.
Forcément, ces évènements ont crée une blessure. Et des peurs. Une blessure et des peurs qui conditionnent certains comportements dans mon présent.
Mon comportement avec moi. En m'amenant à régulièrement à abandonner mes projets et mes envies (avec toujours de "bonnes" justifications), à abandonner ma vie d'une certaine manière. Parce que je ne vis pas réllement la vie dont j'ai envie, quand bien même tout s'offre à moi pour le faire. Je la survole, je "bouine". Je commence et je finis pas; je reste dans les idées sans concrétiser.
Mon comportement avec les autres. Les échanges et les évènements du quotidien peuvent venir involontairement réactiver la blessure et générer automatiquement une réaction qui chez moi se traduit par un enfermement quasi-immédiat, pesant pour moi-même et pour mon entourage qui sent cet état mais aussi les attentes que de fait, je pose sur lui. Attentes qui ne sont bien sur pas justes du tout. L'autre effet kiss-cool, que je ressens depuis quelques temps, est un décentrage totale. L'impression de flotter et d'errer, sans énergie et sans but; là ou quelques heures avant j'avais la force et l'envie de poser des choses importantes pour moi.
Quand la blessure est réactivée, tout vient l'alimenter jusqu'à temps que je me vois dedans. Malheureusement parfois ça prend du temps, et pendant cette période, ça monte crescendo.
Là, il m'a fallut 10 jours pour retrouver l'évènement source : une simulation d'entretien de médiation, où je jouais le rôle d'un homme que sa conjointe venait de quitter. Pendant 1 heure, les 5 médiateurs en face de nous se sont adressés à 99% à la jeune femme. C'est comme si mon personnage n'existait pas, comme si il était transparent. Sa personne, son histoire, son état n'étaient pas pris en considération par les autres. Je l'ai exprimé en fin de simulation, mais sans me rendre compte du "tremblement de terre intérieur" que la situation avait provoquée.
Cela montre combien un évènement "anodin d'apparence", sans relation directe avec mon histoire et mon vécu, peut venir appuyer sur la blessure. Et tant que je ne m'en rends pas compte, la porte est ouverte : d'autres évènements, plus ou moins importants, viennent alors alimenter la blessure.
Une blessure ne cicatrise pas tant que je ne l'ai pas reconnue et regardée en face. S'en rendre compte, la reconnaitre et la nommer est un premier pas. L'accepter en est un autre. Et trouver le courage, à chaque fois que la blessure et la peur sont réactivées, de les dépasser, en est un autre. Accepter le temps nécessaire et les rechutes aussi.
Ce n'est pas toujours facile comme chemin, mais lisser et étouffer tout cela sous une carapace n'est pas la solution. Cette carapace qui me protégeait petite, aujourd'hui elle m'étouffe. Et m'empêche de sortir de ma chrysalide...