Suite à mon licenciement, je me suis mis en tête d'obtenir un diplôme en RH. J'avais une formation de juriste, j'avais appris le métier RH quasi sur le tas : j'étais persuadée de ne pas avoir la légitimité nécessaire pour postuler à d'autres postes RH. Ce malgré mes 10 ans d'expérience dans la fonction.
Certaines personnes, à l'époque, ont tenté de m'en dissuader, me disant que c'était inutile. Mais il me fallait cette reconnaissance du diplôme, je n'arrivais pas à l'envisager autrement. Alors j'ai repris le chemin de l'Université, hyper contente. Pour suivre un cursus réservé aux professionnels : chouette, j'allais enfin suivre une formation pratico-pratique avec des profs "terrain", j'allais apprendre pleins de choses et devenir ultra compétente!!!
J'ai rapidement déchanté. Peu d'échanges constructifs, beaucoup de théories, un enseignement "RH traditionnels" d'où innovation et réflexion étaient exclues.
Les cours de droit du travail notamment, m'ont fait bondir. Les élèves avaient un vrai besoin et une vraie envie d'apprendre à s'y retrouver dans les textes; de comprendre comment analyser une situation, se poser les bonnes questions et trouver des réponses concrètes aux problématiques RH les plus courantes; d'être autonomes dans la rédaction de certains documents incontournables... Ils sont repartis en ayant fait des commentaires d'arrêt (un travail pointu d'analyse de décisions de justice avec plan structuré que l'on peine déjà à réaliser sur les bancs de la fac de droit malgré des heures et des heures de TD...!), répondus à des QCM qui leur demandaient d'apprendre leurs cours par coeur, s'être perdus dans les subtilités du licenciement économique qui fort heureusement ne constitue pas le quotidien d'un service RH. et pour lequel, généralement, on se fait aider d'avocats spécialisés...Bref, autant d'enseignements aux antipodes de leurs besoins, sans même un détour par les fondamentaux du genre "comment j'utilise un code du travail?"....
Aujourd'hui, ce diplôme je ne l'ai pas validé. Parce que j'ai choisi de ne pas rédiger coûte que coûte un mémoire respectant les "normes" , un travail académique qui rentre dans le moule. D'aucun dirons "dommage, tu aurais du jouer le jeu, l'essentiel c'était d'avoir le diplôme"... J'ai longuement hésité j'avoue. J'ai même repayé une inscription. Mais finalement j'ai dit non. Pourquoi avoir autant hésité alors que je savais ne pas vouloir le valider dans ces conditions?
D'abors, soyons honnête, une grosse pointe de fierté à vouloir être diplômée d'une Université renommée. Plus le fait de me dire "deux ans pour rien, pas de concret au bout car pas de diplôme! C'est trop bête!". Et aussi parce que je suis formatée. pour attacher une importance démesurée aux diplômes (et bosser dans les RH n'arrange pas forcément les choses!) .
Selon nos bonnes vieilles croyances franco-française, le diplôme à deux fonctions :
- quand nous sommes jeunes, celui d'être le garant absolu de nos compétences et donc de notre légitimité à exercer tel ou tel métier. Ce durant toute notre vie professionnelle, même 20/30 ans après l'obtention du précieux sésame. Pourtant, même si le diplôme constitue, dans certains cas, un préalable indispensable, tout dépend ensuite ce que la personne en fait, ou pas, de ce diplôme. Comment, sur le terrain, elle utilise ses acquis professionnelles et sa personnalité pour exercer son métier. Parce que le diplôme c'est le début de l'aventure professionnelle, pas l'aboutissement : à chacun ensuite de faire son expérience, de développer, d'ajuster, de vivre son métier. Vous avez déjà du en rencontrer des professionnels d'un secteur, dont on se demande comment il est possible qu'ils exercent telle ou telle activité. Même avec une carte de visite et des références prestigieuses...
- par la suite, le diplôme est une reconnaissance absolue de nos compétences acquises "sur le terrain", celui qui encore une fois nous donnera la légitimité. L'expérience professionnelle n'a de valeur que si elle a été rémunérée et reconnue par un diplôme. Cette phrase, relevée sur les murs de la station Réaumur-Sbéastopol, est je trouve, malheureusement, assez révélatrice : "Je ne savais pas que mon expérience valait quelque chose. Ce diplôme est une confirmation. Comme si on me disait enfin, "tu existes" - Barbara 32 ans.
Dans tous les cas, parce qu'on ne nous fait pas confiance, parce qu'on ne se fait pas confiance, parce que le système nous a conditionnés, on s'attache à un bout de papier sensé faire de nous un professionnel accompli.
L'important, aujourd'hui pour moi, de cette expérience n'est pas le résultat - le diplôme - mais ce que j'ai enfin compris : la pratique et l'expérience sont plus source de légitimité et de compétences que le diplôme.
Il est plus important aujourd'hui que je m'attache à me réapproprier mes expériences professionnelles et personnelles, à reprendre et intégrer tout ce qu'elles m'ont apportées. Et que je j'agisse, que je me lance. Le bout de papier, je n'en ai pas besoin...